Engagement des jeunes : 7 bonnes pratiques
- Marine Ronzi
- 18 août
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 oct.
Les jeunes sont-ils toujours engagés – et si oui, comment ?
L'engagement des jeunes est un indicateur clé de la vitalité de toute organisation humanitaire. Avec environ 17 millions de volontaires, le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge offre un aperçu exceptionnel de la manière dont les jeunes du monde entier redéfinissent le volontariat, souvent à leur façon.
Que ce soit dans les espaces mondiaux ou les programmes locaux, les jeunes ne sont plus des bénéficiaires passifs des programmes. Ils façonnent activement leurs propres formes d'engagement, souvent indépendamment des structures traditionnelles. Dans le monde actuel marqué par l'instabilité climatique, la fragmentation sociale et les bouleversements numériques, les organisations doivent adapter leurs modèles pour rester pertinentes.
Le volontariat des jeunes évolue et les organisations du monde entier s'adaptent. Ce témoignage offre une étude de cas concrète sur la manière dont les stratégies d'engagement des jeunes peuvent être repensées pour répondre aux réalités actuelles.
Volontariat des jeunes dans le monde
Les modèles de volontariat des jeunes varient considérablement selon les régions et sont façonnés par des facteurs sociaux, économiques et institutionnels.
En Europe occidentale, les formats organisationnels rigides et le vieillissement démographique ont rendu le recrutement des jeunes plus difficile ( Eurobaromètre, 2019 ).
Dans certaines régions d’Asie, le volontariat est souvent intégré aux systèmes éducatifs nationaux, ce qui favorise des taux de participation plus élevés chez les jeunes.
Et dans les contextes où la pression économique est forte, le volontariat peut être lié à des stratégies de subsistance, de nombreux jeunes s’attendant à des résultats clairs en matière de développement personnel ou professionnel en échange de leur temps ( OIT, 2019 ).
À l’échelle mondiale, le Rapport 2022 sur l’état du volontariat dans le monde ( UNV SWVR 2022 ) souligne que plus de 58 % du volontariat se déroule de manière informelle, c’est-à-dire souvent en dehors de la structure des organisations formelles, et que les jeunes sont particulièrement actifs dans ces formes.
Comprendre cette diversité est essentiel pour construire des systèmes inclusifs et équitables.
Leçons de la pandémie et innovation numérique
À la Croix-Rouge monégasque, la pandémie de COVID-19 a transformé notre travail auprès des jeunes. Nos jeunes bénévoles ont contribué à la conception et à la mise en œuvre d'interventions rapides : soutien scolaire à domicile pendant la fermeture des écoles, livraisons sans contact aux personnes isolées et rencontres virtuelles, comme les goûters numériques, qui ont permis de maintenir les liens intergénérationnels.
L'engagement numérique est devenu un élément essentiel de notre modèle opérationnel. Il a ouvert la voie à de nouvelles formes de participation et permis une continuité dans une période incertaine. Nombre de ces approches restent actives aujourd'hui, témoignant de la coexistence possible de la résilience, de la créativité et de la proximité en ligne. Ces formats représentent des évolutions durables dans la contribution des jeunes.
Ce que veulent les jeunes : des rôles aux objectifs
Les retours d'expérience du Réseau et l'étude « L'ère de la rétention des bénévoles est-elle révolue ? » de la FICR mettent en lumière un message clair : les jeunes d'aujourd'hui recherchent un engagement significatif plutôt que des rôles statiques. Leur engagement ne se porte pas sur des institutions, mais sur des causes. Ils souhaitent contribuer, et non pas seulement soutenir.
C'est également ce changement que nous avons adopté à la Croix-Rouge monégasque. J'ai rejoint l'organisation à 24 ans en tant que référent jeunesse, puis en 2015, je suis devenu coordinateur jeunesse et bénévolat. Ce nouveau poste a marqué un tournant structurel. Pour la première fois depuis des décennies, nous avons créé un département jeunesse dédié, chargé d'intervenir dans tous les domaines : intervention d'urgence, éducation, protection, santé et mobilisation communautaire.
Nous avons co-développé une stratégie d'engagement des jeunes axée sur la participation, l'inclusion et la pertinence locale. L'objectif était d'aller au-delà de la participation, en créant un espace permettant aux jeunes de diriger, d'initier et de façonner l'avenir du volontariat en fonction de leurs réalités.
L'impact a été tangible. Les activités pour les jeunes se sont multipliées et diversifiées, allant des initiatives scolaires aux échanges internationaux. Nous avons collaboré avec le ministère de l'Éducation nationale de Monaco pour intégrer les valeurs de la Croix-Rouge, les premiers secours et les compétences civiques dans les écoles publiques. Les bénévoles sont devenus animateurs, concepteurs et défenseurs.
Nous avons structuré notre stratégie autour de quatre engagements clés :
Par les jeunes – les jeunes ont co-créé et dirigé des projets dans notre communauté.
Pour les jeunes – lutter contre les vulnérabilités grâce à des programmes dans les écoles et les quartiers.
En tant que jeunes acteurs du changement – en utilisant des outils comme YABC , Y-Adapt et des partenariats avec le système éducatif.
Avec les jeunes dans le processus de prise de décision – représentation formelle des jeunes au sein du conseil d’administration.
Cette approche a favorisé une réelle appropriation. Les jeunes ont pris le leadership en matière de stratégie, de formation et de sensibilisation. Ils n'étaient plus seulement impliqués, mais étaient responsables de façonner l'avenir de l'organisation.
L'essor du nouveau bénévolat
Partout dans le monde, de nouvelles formes de bénévolat émergent : plus flexibles, décentralisées et ciblées. Le micro-bénévolat, les formats à distance, les actions axées sur les compétences et les contributions rapides ne sont plus des exceptions. Ils deviennent la norme.
Un exemple clair de cette évolution est l’Académie d’innovation jeunesse Limitless – Climat & Environnement, lancée par la Solferino Academy de la FICR. J’ai fait partie de l’équipe principale de ce programme, qui a mobilisé des milliers de jeunes issus de plus de 140 pays, atteignant 2,2 millions de bénéficiaires à travers le monde.
Mon rôle couvrait la conception du programme, de l’évaluation des risques au rapportage, la coordination des communications, la formation de mentors dans plusieurs communautés et l’accompagnement de jeunes pour concevoir des réponses aux défis climatiques et environnementaux, de l’idéation au prototypage, au déploiement et à la mise à l’échelle. J’ai également coordonné les processus de protection tout au long du programme.
Mais Limitless est allé bien au-delà de la conception du programme. Il a remis en question les hypothèses fondamentales sur le fonctionnement des systèmes de volontariat. En supprimant les obstacles institutionnels et administratifs, le programme a donné aux jeunes l'autonomie nécessaire pour agir tout en restant en phase avec le mandat de leur Société nationale. La formation était dispensée en ligne, directement accessible depuis un téléphone. Les fonds étaient versés sur des comptes bancaires personnels ou des portefeuilles mobiles, réduisant ainsi les délais et les formalités administratives complexes.
Cette structure a réduit les frictions et a permis aux jeunes de passer rapidement de l'idéation à la mise en œuvre, en quelques semaines seulement. Au lieu d'être ralentis par des procédures formelles, ils ont pu tester, adapter et améliorer leurs projets en temps réel. Loin de fonctionner isolément, les résultats de leurs travaux ont été directement répercutés sur leurs communautés et leurs Sociétés nationales. Les prototypes développés indépendamment sont devenus de nouveaux outils, services ou méthodes de travail dont leurs organisations ont pu s'inspirer, qu'elles ont pu adopter et déployer à grande échelle.
Adopté par une Société nationale de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge, Limitless a offert un nouveau modèle sur la manière dont nous pouvons décentraliser la confiance, réduire les formalités administratives et créer un véritable espace d’action basé sur la confiance, tout en maintenant l’alignement stratégique et la responsabilité.
Sept façons de soutenir le bénévolat dirigé par les jeunes
Comment les organisations peuvent-elles améliorer l'engagement des jeunes ? Comment passer de la participation à l'appropriation partagée ? Que vous élaboriez une nouvelle stratégie, repensiez votre gouvernance ou cherchiez à mieux communiquer avec les jeunes de votre contexte, ces recommandations offrent des points de départ pratiques. Ces éclairages sont issus de plus de dix ans d'expérience en programmes aux niveaux national et international.
Diversifier les façons dont les gens peuvent s'impliquer
Le bénévolat doit s'adapter à différents contextes de vie. Cela implique de proposer des formats flexibles : des actions ponctuelles à court terme aux engagements à long terme ; des missions en présentiel aux opportunités numériques ; du soutien opérationnel à la contribution stratégique. À la Croix-Rouge monégasque, nous avons recensé les obstacles à l'accessibilité et créé de multiples points d'entrée, ce qui a permis une participation plus large et plus inclusive, quels que soient l'âge, le sexe et la disponibilité.
Construire avec, pas pour
Les programmes qui trouvent un écho sont conçus en collaboration avec les jeunes, et non imposés d'en haut. Ce processus de co-création instaure la confiance, renforce l'appropriation et garantit que les initiatives reflètent les priorités et les réalités des jeunes. C'est aussi souvent là que naît l'innovation. Dans notre stratégie jeunesse, chaque initiative majeure a été prototypée avec des bénévoles, et non pas uniquement pour eux.
Investir dans des espaces numériques significatifs
Le numérique est un espace essentiel de connexion, de reconnaissance et d'inclusion. De la formation au mentorat, en passant par le partage d'expériences et le soutien par les pairs, l'engagement en ligne élargit la portée et lève les obstacles. Pendant la pandémie, nos événements en ligne, nos formations et ateliers virtuels ont aidé les bénévoles à maintenir leur communauté et leur motivation. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui continuent de privilégier les formats hybrides, qui leur permettent de concilier engagement et flexibilité.
Inviter les jeunes à participer à la prise de décision
L'inclusion symbolique ne suffit pas. Les jeunes doivent avoir une réelle influence sur la gouvernance, la conception des programmes et les décisions de financement. Nous avons institutionnalisé cette démarche à la Croix-Rouge monégasque en instituant un siège officiel réservé aux jeunes au Conseil d'administration, assorti d'un mandat clair et de rapports réguliers. Cette présence a remodelé la façon dont l'organisation envisage son avenir.
Reconnaître l’impact, pas la longévité
Les modèles traditionnels récompensent souvent le temps passé. Mais pour les jeunes, ce qui compte, c'est ce qui change les communautés, les vies et les systèmes. Nous avons fait évoluer notre culture de la reconnaissance pour valoriser la créativité, le courage et les résultats. Que chacun ait contribué pendant une semaine ou un an, ce qui comptait, c'était ce qu'il accomplissait .
Faire en sorte que le mentorat fonctionne dans les deux sens
Le mentorat est plus efficace lorsqu'il est mutuel. L'apprentissage intergénérationnel doit être un processus bidirectionnel, offrant aux jeunes la possibilité d'enseigner autant que d'apprendre. Dans le cadre de nos projets, nous avons facilité le mentorat inversé entre les jeunes bénévoles et les cadres et bénévoles, créant ainsi de profonds changements d'attitude et de compétences de part et d'autre.
Suivez ce qui compte
Les indicateurs influencent les comportements. C'est pourquoi nous sommes allés au-delà du simple comptage des heures et des feuilles d'inscription. Nous avons suivi l'appartenance, le développement du leadership et l'impact local, et utilisé ces indicateurs pour affiner notre approche. Les données ne sont pas forcément froides ; utilisées de manière éthique, elles reflètent les histoires et renforcent les stratégies.
Aujourd’hui, j’aide les institutions à transformer ces principes en réalité grâce à des conseils stratégiques, à la facilitation et à la co-conception de systèmes dirigés par des jeunes.
Écouter le présent
Un faible engagement est rarement un signe de désintérêt. Il reflète plus souvent des systèmes organisationnels inadaptés aux attentes et aux réalités vécues des jeunes. De Monaco à la Limitless Youth Innovation Academy , j'ai pu constater comment la transformation s'opère lorsque nous prenons du recul, écoutons et co-créons.
Le bénévolat n'a pas besoin d'être entièrement repensé. Il doit être repensé avec ceux qui le porteront.
Pour rester pertinents, les systèmes de volontariat doivent s’engager face aux réalités actuelles des jeunes, en s’appuyant sur leur expérience vécue.
Références
Académie Solferino (2023). Que savez-vous du bénévolat ? (Source : https://solferinoacademy.com/how-much-do-you-know-about-volunteering/)
Académie Solferino (2023). Retour d'expérience du réseau sur le bénévolat. Source : https://solferinoacademy.com/feedback-from-the-network-on-volunteering/
Académie Solferino (2023). L'ère de la rétention des bénévoles est-elle révolue ? (Source : https://solferinoacademy.com/is-the-era-of-volunteer-retention-over/ )
Volontaires des Nations Unies (VNU) (2022). Rapport sur l'état du volontariat dans le monde : Construire des sociétés égalitaires et inclusives. Source : https://www.unv.org/SWVR2022
Organisation internationale du Travail (OIT) (2019). Manuel de mesure du travail bénévole. Consulté sur https://www.ilo.org/global/statistics-and-databases/WCMS_627409/lang--en/index.htm
Commission européenne (2019). Eurobaromètre : Jeunesse européenne – Participation à la vie démocratique. Source : https://europa.eu/eurobarometer/surveys/detail/2250
Forum européen de la Jeunesse (2021). L'avenir du travail de jeunesse en Europe. Source : https://www.youthforum.org/publications/future-youth-work-europe
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