Préserver l’humanité dans la guerre
- Marine Ronzi

- 1 sept.
- 4 min de lecture
Le Droit international humanitaire (DIH) n’est fort que des femmes et des hommes qui le portent.
Les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge sont des passerelles vivantes entre le droit et l’action, veillant à ce que les règles de la guerre soient connues, comprises et défendues.
Au sein de la Croix-Rouge monégasque, j’ai piloté la stratégie de diffusion et promotion du DIH, dans le cadre du mandat historique et statutaire de la CRM. mise en œuvre du mandat DIH, de la diffusion et la formation à l’appui-conseil aux autorités, au plaidoyer et aux partenariats.
Même dans un micro-État, cette mission avait du poids : ancrer les principes humanitaires, les normes humanitaires, au niveau local renforce notre conscience collective à l’échelle mondiale.
Voici quelques fragments de ce parcours.
Quand les règles sont mises à l’épreuve
Selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), les dépenses militaires mondiales ont atteint 2,44 billions de dollars en 2023, un record historique.
Mais au-delà des chiffres, ce qui caractérise notre époque, c’est la fragmentation des conflits :
lorsque des armes explosives sont utilisées dans des zones peuplées, plus de 90 % des victimes sont des civils ;
les groupes armés non étatiques se multiplient, brouillant les responsabilités ;
et les technologies, des drones à l’intelligence artificielle, redéfinissent les limites du droit, soulevant des questions éthiques urgentes sur la responsabilité et la distinction.
De nouveaux domaines testent la résilience du droit humanitaire :
Les opérations cybernétiques peuvent perturber des hôpitaux ou des réseaux d’eau, effaçant la frontière entre cibles civiles et militaires.
Le stress climatique et la rareté des ressources sont désormais reconnus comme multiplicateurs de conflit.
La désinformation mine la confiance du public envers les normes et les acteurs humanitaires.
Ces dynamiques se renforcent entre elles : une cyberattaque prive un hôpital d’électricité ; un drone détruit une infrastructure hydraulique déjà fragilisée par la sécheresse.
Autrement dit, les principes humanitaires de distinction, de proportionnalité et d’humanité sont plus en jeu que jamais.
Répondre à ces défis systémiques exige que le DIH évolue, reliant les principes juridiques à la gouvernance des données, à l’éthique numérique ou à la protection de l’environnement.
La force du droit réside aujourd’hui dans sa capacité à s’adapter aux nouvelles réalités sans perdre son essence morale.
Transmettre, partager, plaider, préparer
Pour que le DIH reste vivant, il doit être enseigné, diffusé, intériorisé et défendu.
Cela implique d’aller au-delà des traités, vers une appropriation collective.
Cette conviction a guidé mon travail : de la formation au DIH et aux méthodes d’apprentissage expérientielles à Monaco jusqu’au plaidoyer international pour le désarmement, j’ai vu comment renforcer le droit humanitaire localement pouvait résonner à l’échelle mondiale.
À Monaco, nous avons concrétisé cette vision à travers des formations interactives, l’éducation par les pairs, le plaidoyer stratégique et les partenariats diplomatiques.
Enseigner les règles de la guerre, c’est enseigner l’empathie, la lucidité et la pensée critique.

Le DIH doit être vécu et ressenti, pas seulement mémorisé.
Les approches expérientielles, où l’on apprend par la mise en situation, la résolution active de problèmes et la réflexion, favorisent une compréhension plus profonde et des changements de comportement durables.

En collaboration avec le CICR, la Croix-Rouge française et la Croix-Rouge belge, j’ai mis en œuvre à Monaco des ateliers interactifs pour les jeunes, les enseignants et les professionnels.
Nous y avons utilisé le récit, la simulation et la réflexion : apprendre par l’expérience vécue.
Du plaidoyer à l’action

Des campagnes comme « Not a Target » du CICR, que nous avons relayées, rappellent que la protection des civils et des travailleurs humanitaires n’est pas négociable.
Mais la sensibilisation peut aussi passer par une action collective.
C’est pourquoi, avec la Croix-Rouge monégasque, j’ai contribué à une stratégie de partenariat visant à encourager la Principauté à soutenir le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN / TPNW).
Pendant quatre ans, nous avons tissé ensemble mobilisation citoyenne, engagement des jeunes et diplomatie humanitaire, reliant une petite Société nationale à un agenda mondial de désarmement.
Cette expérience m’a montré qu’une action patiente et cohérente peut faire évoluer la conscience des États, et que même les voix les plus modestes, lorsqu’elles sont constantes, peuvent faire bouger les normes internationales.



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